lundi 28 septembre 2009

Des milles, des cargos et des dauphins…

Cela m’aura pris près de 4 jours pour écrire cette entrée suite à notre arrivée du périple d’Oeiras à Vilagarcia de Arosa, traversée la plus longue à date, 72 heures.
Ce temps d’arrêt aura été provoqué par des circonstances relatées à la toute fin de cette entrée.

Traversée longue et difficile sur plusieurs points. Nous étions partis de Oeiras après presque 3 jours d’arrêt pour réparer la toilette (encore, encore, toujours, et sans succès) et se préparer car nous visions comme prochaine escale La Coruña, tout au nord du Cap Finisterre en Galice, un point de chute fréquent avant le passage du Golfe de Gascogne. Nous avions 310 miles pour se rendre, donc nous prévoyions 3 jours pleins en haute mer, et un passage du Cap Finisterre mouvementé car c’est une zone connue de courants et vents forts, sans compter la présence de très gros cargos en grande quantité.
Le départ s’est fait en début d’après midi le 22, et nous avons eu un peu de vent au début. Ensuite, rapidement le vent est tombé, et la mer s’est aplatie, et cela durera 2 jours pleins… de plus, le peu de vent qu’il y avait venait de la direction même où nous allions, donc très tôt nous avons dû dévier de notre route pour aller un peu plus au large pour prendre le vent sur notre travers.

Robin s’était octroyé a responsabilité de prendre la météo et de faire les pdf des cartes de vents pour les 3 jours. Hors comme nous avions prévu partir la veille, il les fit une journée trop tôt, et le lendemain Bernard lui avait demandé de les refaire; il a fait à sa tête, a comparé les cartes et jugeant qu’elles n’étaient pas suffisamment différentes, ne les refit pas. Lorsque nous avons commencé à dévier de notre route vers le large, et avons réalisé le peu de vent qu’il y avait et notre très lente progression (moins de 3 nœuds – 6 km - à l’heure les premières 24 heures), Bernard a voulu refaire une stratégie de route avec la météo, compte tenu qu’après une pleine journée nous étions déjà 50 milles en retard sur nos prévisions, i.e. à notre vitesse environ 18 heures de retard. Robin s’est mis à raconter un peu n’importe quoi, nous enjoignait d’aller plus au large (nous étions déjà à 70 milles des côtes) car il nous parlait de vents de nord-ouest qui allaient nous ramener vers la côte, se fâchait quand on lui demandait les fichiers météo en nous disant qu’il s’en rappelait, etc. Nous avons fini par comprendre que ses fichiers météo finalement étaient maintenant caducs car ils avaient été faits en prenant pour acquis un départ 24 heures plus tôt, et en plus finissaient trop tôt car nous avions maintenant près d’une autre journée de retard. Bref, de la merde…
Cette deuxième journée fut donc longue et plate, sans vent, du soleil malgré tout, beaucoup de moteur, et des obstinations constantes entre tous sur la route à suivre. Moi je nous voyais nous éloigner de notre but de plus en plus basé sur de fausses présomptions, alors que ça faisait 36 heures que le vent était de nord-nord-est et ne bronchait pas de plus de 10 degrés, mais j’en étais venue à tellement redouter le désaccord avec Robin que je me suis fermée la gueule; jusqu’en milieu de la 2eme nuit, quand Bernard m’a relevé de mon quart, pour finalement lui dire ce que je pensais : que nous devions à tout prix changer de cap vers les côtes, pour s’approcher un peu et éviter de se retrouver à revenir vers le Cap Finisterre face au vent de nord est lorsque les vents forciraient, et que Robin racontait n’importe quoi pour se rendre intéressant et qu’il n’y aurait jamais de nord-ouest car je les avais vu les fichiers et que tout ce que nous courrions c’était le risque de se retrouver trop loin des côtes et de manquer de fuel à un moment donné si le vent ne devenait pas plus favorable. Bref, j’en avais marre et mon « gut feeling » de marin, que j’ai découvert en fait pas trop mauvais, me lançait pleins de signaux d’alarme.
Bernard m’a admis que j’avais fort raison (crisse, il aurait pu le dire plus tôt) et à partir de ce moment, c’est ce que nous avons fait. Cap au 040 degrés!
Au cours de la 3e journée, nous avons eu un peu de vent et dans un angle qui nous permettait un cap pas trop éloigné de notre route visée, et nous avons un peu rattrapé de temps. Par contre, il était clair que nous ne nous rendions pas à La Coruña en moins de 4 jours. Nous en étions à nous demander si on s’arrêtait dans un port avant - car la nourriture n’était plus abondante à ce point-là - quand nous avons vidé le réservoir d’eau potable principal pour réaliser que la valve qui permettait de changer pour les 2 autres réservoirs était bloquée, et nous nous sommes du coup ramassés sans eau dans le bateau. Évidemment, l’eau du réservoir n’est pas pour boire, nous avions assez de bouteilles pour ça. Mais c’était l’eau courante pour laver la vaisselle, se laver, etc. Ce facteur, en plus de m’enrager car c’était une chose de plus qui flanchait, scella la décision de mettre le cap sur une ville au sud du Cap Finisterre afin d’y faire une halte.
Une autre chose qui marqua ce voyage, mon titre l’illustre, fut de se retrouver en plein milieu d’un rail de navigation où passent les plus gros cargos du monde, étant donné que nous avions viré au large de la zone côtière de navigation. Des cargos immenses en direction de la Manche ou de Vigo, un des plus grands ports d’Europe de l’ouest. Le jour nous les voyions bien venir, malgré que certains ne se gênent pas et te klaxonnent si tu es un tant soit peu sur leur route. Mais la nuit c’était un peu l’enfer. Essayer de décoder les lumières des cargos venant et des cargos allant, en tentant de déchiffrer leur route et leur vitesse afin d’évaluer si nous étions dans leur passage, constituait le défi principal de la navigation nocturne.

Malgré ces frustrations, je dois dire que de très beaux moments furent passés en compagnie des centaines de dauphins qui nous rendîmes visite durant ces trois jours et qui ont véritablement fait ma joie.
Ce sont des êtres magnifiques à tout moment, mais quand ils viennent jouer dans l’étrave de ton bateau pendant 20-30 minutes à plusieurs reprises, en te régalant de cabrioles et de sauts spectaculaires, surtout quand ils se synchronisent et sautent à 30 ou 40 en même temps, ils te paraissent d’un autre monde. J’ai adoré et me suis régalée.

La dernière nuit fut plutôt difficile, car nous sommes soudainement passés de peu de vent à beaucoup de vent, et la mer s’est levée soudainement. J’ai pris le quart de 21h à minuit, qui fut assez facile et excitant car c’est durant ce quart que nous avons recommencé à voir les côtes après 60 heures! Et une quinzaine de dauphins se sont joints à moi et au bateau vers 21h10, juste quand le soleil disparaissait, et sont restés presque une heure à m’accompagner dans mon quart!!! Incroyable!

Je suis allée me coucher à minuit en donnant la barre à Bernard, mais ai été réveillée subséquemment à plusieurs reprises par la mise en marche du moteur puis l’arrêt, ce qui signifie habituellement que le vent tournaille et que la personne à la barre perd le contrôle du bateau à répétition. Puis vers 03h00, je suis réveillée par une altercation entre Robin et Bernard dans le cockpit (ma cabine était juste en dessous). J’ai à peine dormi 2 heures et fut réveillée plusieurs fois entre temps. Je réalise que je suis collée contre la paroi de ma couchette et que le vent siffle beaucoup plus fort que quand je me suis couchée. Après une heure passée à essayer de me rendormir, je monte au cockpit pour trouver les gars en pleine tempête de vent, le bateau gîte furieusement, et la mer est devenue grosse d’un coup. Personne ne dormira plus cette nuit-là. Je prends mon courage à deux mains et fait du café pour les gars (je suis devenue top à faire à manger en dessous même en cas de gîte forte, le mal de mer du premier jour ayant disparu après cette première et seule occasion malheureuse), je m’habille et monte sur le pont pour aider Bernard à prendre un ris dans la voile (réduire la voilure afin d’avoir moins de prise sur le vent) – opération facile quand tout est calme, mais plutôt délicate à 04h30 du matin en pleine mer déchaînée. Mais au moins nous sommes sur notre bon cap, en direction de Vilagarcia de Arosa, même si on n’avance pas trop vite…
Je prends mon prochain quart à 06h00 le matin, en pleine tempête de vent. Nous approchons des côtes et on navigue à vue avec les quelques phares qui sont perceptibles, réalisant tout de même que le vent et la très grosse houle contre nous ne nous aident pas…. Sur les coups de 08h00, alors que des lueurs rouges se pointent à l’est, des dauphins arrivent et m’accompagnent, me réconfortant. Ils auront navigué avec moi au coucher du soleil et m’auront lancée dans la nuit, et ils m’auront récupérée au petit matin alors que j’étais fourbue de tenir la barre comme si ma vie en dépendait et très très écoeurée… braves petites bêtes!
Nous rentrerons finalement dans le Ria de Arosa, une des fameuses rias de Galice, vers 9h00, pour accoster à Vilagarcia, 15 miles en amont du Ria, 3 heures plus tard. Nous sommes épuisés par cette traversée, et dormirons une partie de l’après-midi.

Après cette traversée, j’ai pas mal décidé que je ne ferais pas le Golf de Gascogne. Mais Bernard se fait insistant au souper, et on regarde la météo qui s’annonce fort belle pour un départ 2 jours plus tard. Je flanche et j’accepte de le faire avec eux sachant à quel point cette navigation de 5 jours en pleine mer sera dure s’ils ne sont que deux. Je décide de le faire également par loyauté pour Bernard, qui malgré tout a veillé sur nous et se trouve dans une situation difficile de devoir ramener son bateau à Dunkerque pour le rénover, dans des conditions loin d’être idéales. Et Robin s’est tenu relativement tranquille dans les 3-4 derniers jours et a été un peu moins désagréable. Nous avons décidé de ne pas aller à La Coruña et de foncer tout droit sur la pointe bretonne. Nous en avons pour 500 milles, ouf! À une vitesse à peine plus grande que celui d’un pas de course, c’est long…
Hors, tout basculera le soir du 26 alors que nous sommes à la veille du départ et nous nous préparons à aller faire l’avitaillement pour la longue traversée. Nous montons du ponton à la rue et Bernard empoigne un « caddy », panier d’épicerie mis à la disposition des plaisanciers qui n’ont pas de voiture dans de nombreux ports d’Europe. Robin pique une petite crise et refuse de pousser le caddy dans la rue car ça a l’air fou… Bernard se fâche et le traite de gamin, ou je ne sais pas quoi. Robin hurle, se fige sur place, envoi Bernard paître et finalement me lâche de ne pas faire de courses pour lui, qu’il retourne faire son sac et se barre. Bernard, tout aussi enfant, se retourne vers moi, hausse les épaules et me dit : allez viens, on va faire les courses. Soupir… Les émotions se bousculent en moi, je suis écoeurée de ces débordements de caractère, et cela ramène à grands pas toutes mes résistances à continuer. Je n’ai aucun doute que Robin s’en va vraiment, il est beaucoup trop « fier-pète » le monsieur, et a la capacité émotive de règlement de conflit d’un enfant de 3 ans. Bref, tout d’un coup la continuation à deux est inenvisageable, et la fatigue et la lassitude ont raison de moi. Je m’arrête, prends mon courage à deux mains, et déclare à Bernard que ça y est, j’en ai marre, je ne peux pas envisager de faire la traversée à deux; c’est physiquement et émotivement trop demandant. Je décide de m’écouter et de me choisir, mais ce sera une décision extrêmement difficile à porter face à Bernard, sachant pertinemment que je l’abandonne d’un coup et que je lui laisse que peu de choix… Je passerai la soirée à défendre cette décision et à prendre la responsabilité de mon geste face à lui. Il passera par toutes les émotions, le déni, la déclaration que je l’abandonne au pire moment, la croyance que je blague, les menaces à peine voilées de partir avec le bateau dans la nuit avec moi qui dors, l’affirmation qu’il continuera et fera les 500 milles tout seul et coulera avec le bateau s’il le faut, déclare qu’il ne le dira pas à sa compagne avec qui il parle journalièrement et s’en ira en mer sans lui raconter qu’il y va en solitaire, etc. J’ai beaucoup de compassion car entreprendre un tel périple (il est parti il y a plus de 2 mois de Rome avec le bateau) demande un investissement énorme, et il espérait s’être entouré d’une équipe qui allait l’aider à bien mener à terme son projet. Mais ceci n’est plus des vacances pour moi – c’est devenu une corvée, un périple qui ressemble à un chemin de croix malgré tous les beaux moments. Je me sens déchirée entre la loyauté, le désir de mener à terme ce que j’ai commencé, mais aussi la nécessité de « sauver ma peau » en quelque sorte en me sortant d’une situation qui a soudainement perdu tout son lustre. Je suis honnête avec Bernard, je lui dis à quel point son attitude de laisser-faire et de tolérance avec Robin aura finalement miné cette équipée, et ma lassitude par rapport à l’état du bateau et les innombrables brisures et réparations, ainsi que ma grande fatigue physique. Il me redira à quel point il aurait voulu que je continue avec lui. Cette soirée-là sera extrêmement difficile, me mettra face à moi-même et pourquoi j’ai entrepris ceci, me révèlera toute la signification de ce que c’est d’encaisser l’impact que tes décisions peuvent avoir sur les autres et à quel point c’est parfois difficile d’assumer… mais comment quand tu le fais comme il faut, l’expérience humaine en est tellement plus riche.
Donc ici se termine mon histoire sur Sunrise. Le lendemain matin, Bernard s’est calmé, et je l’aide à répondre à des petites annonces d’offres d’équipiers postés dans les forums dont nous faisons tous les deux partie. Il décide de longer les côtes, et de tenter d’obtenir l’aide de quelqu’un d’autre pour l’aider à finir la route. Moi je ne dormirai pas bien pendant 2 nuits, mais ma décision est prise. Je contacte le skipper qui m’attendais en Turquie et lui annonce mon arrivée pour le 30 septembre. Nous nous serons quittés en très bons termes ce matin, moi l’ayant aidé à préparer son périple, à arranger le bateau, lui m’ayant gardé à bord pour 2 nuits supplémentaires, et m’ayant reconduit au train pour Vigo ce matin. J’aurai vécu l’Atlantique et ses beautés, mais aussi ses vacheries, et j’aurai surtout vécu des expériences humaines, belles et mauvaises, que je ne soupçonnais pas en partant il y a un mois. Voilà pour cette fenêtre dans mon âme!

Les photos sont sur Facebook à l'adresse suivante: http://www.facebook.com/album.php?aid=107174&id=705632214&l=9f56c26c33

Et si jamais vous avez envie de voir la carte, voir à la toute fin de cette page.

dimanche 20 septembre 2009

La nuit, la mer

J’écris cette chronique assise à l’ombre d’un olivier dans le jardin du Castelo de São Jorge à Lisbonne, ayant comme musique de fond un guitariste de fado.
Mais Lisbonne fera l’objet d’une autre entrée…
Nous avons quitté Lagos vers 15h00 vendredi, avec encore une fois une tentative infructueuse pour réparer la toilette. On fait pipi par-dessus les lignes de vie du bateau sur le pont (je laisse à ceux qui ont déjà fait de la voile le soin de s’imaginer avec amusement comment on fait ça quand on est une fille) ou dans notre lavabo depuis une semaine… ça se passe de commentaires.
Il faisait un temps magnifique, et les premières heures de cette navigation ont été idylliques. Soleil, un vent juste parfait, 15 nœuds dans la bonne direction, assez pour nous faire filer très rapidement vers le Cabo de São Vicente avant la nuit noire. Lagos est entourée de hautes falaises ocre percées de grottes, ce qui donne une paysage assez joli merci.
Les bateaux s’y donnent à cœur joie, en mouillant dans les petites criques créées par les rochers et les grottes, et l’endroit est la destination de nombreuses entreprises touristiques qui offrent des excursions depuis Lagos. Nous filons rapidement, le bateau va bien, et malgré le vent d’ouest frais, il fait beau. L’approche de la Punta de Sagres et du Cabo de São Vicente est spectaculaire. De vertigineuses falaises qui descendent presque à 180 degrés vers la mer, des phares au-dessus, des petites baies très protégées entre les deux – un paysage grandiose et sauvage. C’est la pointe sud-ouest de l’Europe, l’avancée de ce grand continent dans l’Atlantique! C’est en quelque sorte émouvant de passer ici dans un bateau de 47 pieds… On le sent bien, c’est un cap qui a la réputation de ne pas faire de cadeaux aux navigateurs car il est affleuré de forts courants et de vents confluents, mais nous avons la chance avec nous. Une belle mer, un soleil couchant, un vent modéré, le tournant se fera assez facilement malgré le vent qui vire au nord et qui nous force à passer le cap au moteur. Comble de chance, à environ ½ mile passé le Cabo, des dauphins se mettent à sauter à 5 mètres du bateau, et viennent jouer dans notre étrave pendant quelques trop brèves minutes. Magnifique!
Nous sommes aux anges, ça fait passer un peu mieux la dernière traversée, et comme de toute façon on sait qu’on en aura d’autres moins bonne, on savoure celle-ci.
La nuit tombe et je prends mon quart à 21h00, pour 3 heures. Les gars vont se coucher, je suis seule face au crépuscule, qui disparaît rapidement derrière l’horizon, et la nuit qui tombe comme un rideau noir en quelques minutes. Les étoiles sortent, mais c’est la nouvelle lune. Le vent ramollit, il vient du nord, on commence à tirer des bords car on l’a dans le nez. Mais la mer est légère, les creux de vagues sont longs et nous les prenons de face donc ça se passe bien. C’est long 3 heures quand même… ça vide la tête. Tu es en plein Atlantique, y’a rien rien à gauche, devant ou derrière – tu tiens la barre dans tes mains, tu gardes ton cap, tu regardes le ciel, les nuages, la mer… c’est tout.
À minuit je vais me coucher, car mon prochain quart est à 06h00. Je dors mal la nuit, je dors mieux le jour. Il parait que c’est normal en mer.

Un petit aparté sur les quarts pour ceux que ça intéresse. Après 4 traversées, nous commençons à installer une routine. Les journées sont divisées en 8 quarts de 3 heures, sur un cycle complet de 3 jours. Nous conservons les quarts même au port pour pouvoir suivre mieux. Quand on est de quart en mer, nous sommes essentiellement responsable du bateau, et nous sommes à la barre. La nuit, ou le jour en grosse mer, nous portons un harnais avec une veste autogonflante intégrée
et qui est attaché avec une sangle et mousqueton au bateau. On met notre réveil environ 20 minutes avant notre quart, on se lève, fait pipi, on s’habille en conséquence pour l’heure qu’il est. Ensuite on fait le point sur la carte pour confirmer ou modifier le cap suivi par le précédent barreur. On apporte ce dont on a besoin avec nous dans le cockpit, donc on s’apporte de l’eau, des trucs à grignoter; moi je mange habituellement une pomme et des biscuits ainsi qu’un thermos de thé chai avec du gingembre que je prépare juste avant quand ça ne brasse pas trop en bas.
On est à la barre pendant 3 heures, mais parfois on met le pilote automatique (quand il fonctionne) ou simplement une barrure dans la roue pour se donner un petit break. Pendant la nuit et le matin nous sommes seuls. Nous nous retrouvons les 3 réveillés et dans le cockpit habituellement entre 12h00 et 16h00 et vers 19h00-21h00 pour souper.

À mon réveil à 6h00, le temps a changé. Les étoiles sont cachées par d’horribles nuages très noirs, et le vent est tombé. Nous sommes au moteur depuis quelques heures, et le resteront pendant les 10 prochaines heures. Là il fait froid, et surtout humide. Même dans le bateau, tout est humide en mer. Le linge ne sèche pas, tu dois mettre des couches de vêtements. Il fait beau et chaud à terre le jour, mais la nuit il fait 12-15 degrés avec un vent froid, donc on s’habille. Ce quart-là sera un peu plus difficile compte tenu du froid, de la fatigue due au mauvais sommeil et du temps incertain. Pour me donner du courage, je mets mon iPod sur mes oreilles et me joue du vieux rock des années 70-80, en pensant à Emmanuelle qui m’a refilé plusieurs de ces morceaux 
Je remettrai finalement les voiles vers 8h00, mais le vent reste faible jusqu’en après-midi. On ne se plaint pas trop, car le contraire est pire! La journée se passera doucement, il fait encore beau, et nous avons à nouveau la visite de globicéphales. Plus tard en après-midi, quand tout le monde est levé et sur le pont, nous laissons traîner une ligne derrière le bateau et Robin pêche une bonite, super jolie bonite pour notre souper, yé!!
C’est la fête.
L’arrivée à Oeiras, petite station balnéaire à 20 minutes de Lisbonne, se fera par beau temps vers 18h30.
Elle sera malheureusement assombrie par une prise de bec entre moi et Robin au sujet de la navigation. Cela faisait quelques jours que ça s’annonçait, on se tombe mutuellement sur les nerfs. Moi je ne suis plus capables de l’entendre chialer sur tout… tout est de la merde, les hommes sont tous des enfoirés, les femmes y passent aussi. Je le trouve suffisant et désagréable plus souvent qu’autrement, et il argumente sans arrêt, sans compter le dilettantisme dont il fait preuve face à certaines choses de sécurité dans le bateau. Depuis 3 jours, je commençais à mettre en doute de continuer au-delà de La Coruna avec eux pour passer le Golf de Gascogne, mais cette engueulade me fait penser que je vais peut-être terminer cette aventure à ce moment-là. Une nuit de sommeil et un peu de recul me donneront la sagesse de réserver ma décision pour dans quelques jours, en laissant les choses suivrent leur cours.
Voir toutes les photos! http://www.facebook.com/album.php?aid=107174&id=705632214&l=9f56c26c33

jeudi 17 septembre 2009

Bonne dose de réalité

Le départ de Cadiz s’est fait plus tard que prévu mardi, Bernard a passé la matinée à essayer de réparer la seule toilette qui fonctionnait encore à date à bord… sans succès. Nous avons finalement pris la mer vers 13h30, après avoir pris ce qui sera notre dernier repas en 36 heures.
Dès le départ de Cadiz, les vents nous viennent de la mauvaise direction, c’est-à-dire en voile à l’intérieur de 40 degrés de là où on veut aller. Nous avions pris la météo et prévu le coup dans notre planification de navigation, donc déjà nous louvoyons (i.e. « tirer des bords », aller en zigzaguant en direction du vent, de part et d’autre de sa provenance). Ce qui fait plus de millage car nous ne pouvons avancer en ligne droite, mais nous avançons au moins. Et vite! Déjà au départ, on fait plus de 6 nœuds, malgré la houle qui monte haut et vite. 3 heures plus tard, nous rencontrons 25 nœuds de vent, et des vagues de 4-5 mètres.

Ouch! Nous nous ferons brasser comme ça pendant 31 heures. Comme nous sommes au près, c’est-à-dire que le vent nous vient d’entre 30 et 40 degrés dans le quart avant du bateau, nous gîtons beaucoup, ça brasse en masse, on tape dans la vague. C’est difficile de descendre en bas dans la cabine, ça penche de 45 degrés, et on se fait projeter de part et d’autres. J’ai des bleux énormes partout!!! Il est hors de question de faire à manger, c’est tout juste si on attrape des biscuits secs dans le garde-manger de temps en temps. La vague se fracasse aussi sur le bateau, donc forcément nous sommes trempés.
Ça va toujours jusqu’au coucher du soleil, mais une fois la noirceur tombée, c’est moins drôle. Nous avançons toujours aussi vite par contre, le bateau est déchaîné. Il tient très très bien la mer, ça je dois dire. Je n’ai pas peur en aucun moment. Par contre, quand je prends mon quart de 21h00 à minuit, je la trouve moins drôle. Nous sommes en plein Atlantique – à 30 milles des côtes. Nous n’avons pas vu une lumière de côte, de phare ou d’autre bateau pendant 24 heures. Tu dois t’accrocher à la barre pendant 3 heures, tes jambes se crampent, tu ne peux pas aller faire pipi, tu peux à peine attraper la bouteille d’eau qui se promène dans le cockpit pour boire un coup d’eau (mais pas trop car il ne faut pas avoir envie). Quand y’a une vague de 12-15 pieds qui t’arrive du côté, que tu n’as pas vue venir car il fait noir et il n’y a pas de lune, et qu’elle s’écrase contre le bateau en t’arrosant copieusement, tu te demandes ce que tu es venu foutre ici…

À minuit, Bernard prend son quart, et je descends me coucher dans ma cabine. Oublie ça dormir! Je suis gîtée à 45 degrés donc écrasée contre le mur, le bateau tape les vagues en craquant à chaque fois – quand tu redescend d’une vague de 4 mètres, ce qui fait un étage et demi pour ceux qui ont besoin d’une conversion, t’as vraiment l’impression de tomber dans le vide - il fait froid et humide, et le bruit est assez intense. Sans parler du sentiment de profonde insécurité qui te dit que peut-être que tu ne devrais pas être là…
Vers 02h00, n’ayant pas fermé l’œil, je sens le vent forcir et je monte sur le pont pour voir si Bernard est OK. Il est accroché à la barre. Je fais un point de navigation sur la carte, ce que nous essayons de faire aux heures, et je vois que le vent et le courant nous ont déviés. On appelle Robin qui dort pour venir faire un virement de bord et repartir dans l’autre direction pour 3-4 heures, histoire de nous remettre sur notre route. Et hop au large!!! Je retourne me coucher car j’ai un quart à prendre à 06h00, mais peine perdue - je ne dormirai pas. À 6h00 je monte, je prend la barre. Il fait toujours nuit noire car nous sommes à la limite ouest du fuseau horaire, le soleil ne se lèvera pas avant 8h15. Le vent n’a pas baissé, la mer est toujours grosse. Mais tout est OK, le bateau tient le coup, y’a juste les humains dedans qui sont un peu secoués et fatigués!
Le jour se lève, et la mer ne redescendra que vers midi. Nous sommes tous fourbus, moi je réussis à dormir 2-3 heures quand mon quart finit à 9h00. Nous n’avons pas mangé, et en matinée l’électronique du bord lâche. Tout : pilote automatique, lecteur de vent, lecteur de vitesse, Navtex (système de communication qui envoi les messages et la météo), radio VHF. L’alternateur ne charge plus les batteries, merde! Je découvre que la VHF d’urgence, qui marche à batterie, n’est pas chargée… je rage. Moi qui aime bien les choses en ordre, voilà que j’ai un skipper un peu brouillon, et certaines choses qui auraient dues être vérifiés ne l’ont pas été. Heureusement, le vent s’est un calmé, la mer aussi, il fait jour et ensoleillé et nous sommes en vues des côtes portugaises. Nous arriverons finalement à Lagos, notre point de destination, vers 19h00 le lendemain soir. Sans heurts, juste de la fatigue extrême et quelques sueurs froides.
Suite à cette traversée, ma bulle pète un peu. Je me sens loin, seule; j’ai un coup de cafard. Que diable suis-je venue faire ici? Je suis grognon, je suis en colère un peu contre ce bateau où tout pète, une chose après l’autre. Y’a un gros nuage noir qui me suit ce soir…
Nous sommes sortis souper à Lagos, qui est une jolie ville hyper touristiques bourrées de vieux British à la retraite plein de cash qui ont des immenses bateaux à voile avec lesquels vraisemblablement ils ne font que des ronds dans l’eau. Nous sommes tellement fatigués qu’on s’adresse avec peine la parole à table… nous allons faire un gros dodo de bonne heure, demain il fera beau, nous serons reposés et la vie sera à nouveau rose!

P.S. Si vous avez le goût de m’écrire, ça serait gentil… j’aimerais avoir de vos nouvelles. Ça se pourrait que je ne puisse pas répondre personnellement, les wifi aux marinas sont plutôt incertains. Mais je les lirai avec plaisir!

lundi 14 septembre 2009

Baptême de la mer

Jeudi le 10 septembre, nous avons accueilli à notre bord notre nouveau compagnon de route, Robin, qui arrivait au train à 23h. Grand, mince, ancien aviateur qui n’a pas pu faire carrière en aviation commerciale, un peu crâneur, très français, adore se moquer de tout le monde et se prend pas mal au sérieux… Je sens que je vais être le souffre-douleur…
Après une petite visite rapide du bateau, quelques explications, une petite bouteille de champagne à 3 pour arroser le départ qui s’annonce, tout le monde va se coucher car vendredi sera, on l’espère, une grosse journée!

Vendredi 11 septembre
Ça y est, ça sent le départ. Le mécanicien se pointe finalement vers 9h00, met du gaz dans le frigo, tripote le groupe électrogène pour finalement décréter qu’il ne peux pas poser la pièce qui a pris 3 jours à venir, pose un support métallique pour le pilote automatique qui était cassé, ajuste le réglage du thermomètre du frigo, et demande 400 euros à Bernard pour ses aller-retour! Comme dit Robin, « ils sont gonflés les espagnols! ».
Bref on part sans groupe électrogène qui sert à nous alimenter en 220V à bord, mais au moins on a un frigo. Petit tour au quai d’essence, lunch rapide, et hop, on
démarre à 14h10! À peine sortis de la marina, on se prend de la houle de 2 mètres et du vent de 30-35 nœuds (miles nautiques à l’heure, presque le double en km/h), qui pour quelqu’une habituée au Lac des Deux Montagnes est quand même impressionnant, et ça brasse en masse! Rapidement ça forcit de quelques nœuds avec des rafales à 85 km/h et les creux de vagues deviennent plus grands, jusqu’à 3.5 mètres. On en aura pour 5 heures là-dedans, par vent presque arrière, à surfer les vagues et se faire trimbaler d’un bord à l’autre. C’est excitant car le bateau tient super bien la mer, mais ça brasse un peu trop pour mes petites trippes qui ne sont pas amarinées… je vous laisse deviner la suite. Mais bon, ça fait partie du voyage, je me doutais bien que ça allait arriver, mais peut-être pas les premières heures!

Donc pour les 5-6 premières heures, j’évite d’aller en bas dans le bateau. On se divise en quarts de 3 heures chacun, et mon premier arrive à 19h00 le 1er soir. J’adore barrer le bateau, j’apprends tout de suite à bien surfer les grosses vagues (et à ne pas trop les regarder venir, ça fait moins peur), et je m’amuse comme une folle même si je saute le souper pour laisser mon estomac s’habituer. Au coucher du soleil, 2 petites baleines globicéphales noirs viennent s’amuser tout près du bateau, très mignon!

Samedi 12 septembre
Cette première traversée se termine le lendemain vers 12h30 avec l’arrivée à Estepona après une navigation de plus de 22 heures. On passe l’après-midi à faire des bricoles sur le bateau, et on se prépare à passer une partie de la nuit au quai pour un départ vers le Détroit de Gibraltar à 03h00 du matin. Nous sommes en train de souper dans le bateau lorsque tout d’un coup des petits cérpitements se font entendre partout sous la coque. Les bruits, très inhabituels, s’en vont en s’amplifiant, et on se précipite à lever les panneaux des cales pour voir si de l’eau rentre (non), ensuite on défait les panneaux électriques et débranche les batteries au cas où ce serait électrique, c’est pas ça non plus…. On commence un peu à paniquer car ça se fait entendre de partout et c’est très fort, des milliers de petits crépitements ou bruits, comme si des petites bulles d’air pétaient. On pense alors à la structure de la coque, et si la coque se fendillait? Oh la, la panique, on fait venir le gars de la marina à 21h00 le soir pour savoir si c’est possible de sortir le bateau, etc. Entretemps je suis sur Skype avec Yves, qui regarde les forums sur le web et trouve une explication pour le moins inusitée sur le blog d’une navigatrice… ce sont en fait des mini crustacés qui s’attachent au bateau, et qui font le bruit avec leuir pince ou en se faisant bouffer par des petits poissons! On les appelle les « snapping shrimps »!!! Y’a même un video sur YouTube à propos de ceci. De son côté, le gars de la marina en vient aussi à la conclusion que c’est fait par les poissons. Eh ben dis donc, nous en avons eu pour une bonne frousse!
On se remet donc au souper, puis on va faire dodo car le départ se fera dans la nuit.

Dimanche 13 septembre
Cette journée est le moment le plus marquant à date. Bernard me réveille à 6h30 car mon quart ce matin-là commence à 7h00, les gars ont quitté la marina pendant la nuit. Nous sommes alors au pied du Rocher de Gibraltar, à 500 mètres du bord. WOW!!!! Les lueurs du jour pointent à l’horizon mais il fait encore nuit, des dizaines de cargos sont ancrés partout autour, nous zigzaguons entre eux pour passer la pointe. Y’a plein de touts petits bateaux de pêcheurs partout aussi qui sillonnent l’entrée du Détroit. Je prends la barre à 7h00 comme prévu, et une fois les gros cargos un peu éloignés, les gars vont se coucher et je reste toute seule à la barre – et je ressens alors un moment exhilarant très intense. Le soleil se lève à l’horizon en une grosse boule rouge, je suis à la barre d’un gros voilier qui pénètre dans le Détroit de Gibraltar, je suis entourée de toutes parts de navires de tailles que je n’ai jamais vues, je laisse le Rocher, qui est très impressionnant, derrière moi, et je vois très bien les magnifiques côtes marocaines à ma gauche. Ce sont les moments pour lequel je fais tout ceci!
La navigation à partir de là se fait plus facilement, le jour se levant, et le Détroit s’élargit rapidement. Nous atteignons en quelques heures Tarifa, la pointe la plus au Sud de l’Espagne, et ensuite plus tard en milieu de journée le Cabo Trafalgar. Maintenant officiellement en Atlantique!!!
Mais malgré cela, le temps est ensoleillé mais le vent est au beau plat… Nous ferons du moteur jusqu’à vers 17h00, où finalement on commence à avoir assez de vent pour rentrer à Cadiz à voile 3 heures plus tard, une autre traversée de 16 heures sous la ceinture.

Pour l'instant j'ai de la misère à mettre les photos ici donc allez à
http://www.facebook.com/album.php?aid=107174&id=705632214&l=9f56c26c33

Baptême de la mer

Jeudi le 10 septembre, nous avons accueilli à notre bord notre nouveau compagnon de route, Robin, qui arrivait au train à 23h. Grand, mince, ancien aviateur qui n’a pas pu faire carrière en aviation commerciale, un peu crâneur, très français, adore se moquer de tout le monde et se prend pas mal au sérieux… Je sens que je vais être le souffre-douleur…

Après une petite visite rapide du bateau, quelques explications, une petite bouteille de champagne à 3 pour arroser le départ qui s’annonce, tout le monde va se coucher car vendredi sera, on l’espère, une grosse journée!

Vendredi 11 septembre

Ça y est, ça sent le départ. Le mécanicien se pointe finalement vers 9h00, met du gaz dans le frigo, tripote le groupe électrogène pour finalement décréter qu’il ne peux pas poser la pièce qui a pris 3 jours à venir, pose un support métallique pour le pilote automatique qui était cassé, ajuste le réglage du thermomètre du frigo, et demande 400 euros à Bernard pour ses aller-retour! Comme dit Robin, « ils sont gonflés les espagnols! ».

Bref on part sans groupe électrogène qui sert à nous alimenter en 220V à bord, mais au moins on a un frigo. Petit tour au quai d’essence, lunch rapide, et hop, on

démarre à 14h10! À peine sortis de la marina, on se prend de la houle de 2 mètres et du vent de 30-35 nœuds (miles nautiques à l’heure, presque le double en km/h), qui pour quelqu’une habituée au Lac des Deux Montagnes est quand même impressionnant, et ça brasse en masse! Rapidement ça forcit de quelques nœuds avec des rafales à 85 km/h et les creux de vagues deviennent plus grands, jusqu’à 3.5 mètres. On en aura pour 5 heures là-dedans, par vent presque arrière, à surfer les vagues et se faire trimbaler d’un bord à l’autre. C’est excitant car le bateau tient super bien la mer, mais ça brasse un peu trop pour mes petites trippes qui ne sont pas amarinées… je vous laisse deviner la suite. Mais bon, ça fait partie du voyage, je me doutais bien que ça allait arriver, mais peut-être pas les premières heures! Donc pour les 5-6 premières heures, j’évite d’aller en bas dans le bateau. On se divise en quarts de 3 heures chacun, et mon premier arrive à 19h00 le 1er soir. J’adore barrer le bateau, j’apprends tout de suite à bien surfer les grosses vagues (et à ne pas trop les regarder venir, ça fait moins peur), et je m’amuse comme une folle même si je saute le souper pour laisser mon estomac s’habituer. Au coucher du soleil, 2 petites baleines globicéphales noirs viennent s’amuser tout près du bateau, très mignon!

Samedi 12 septembre

Cette première traversée se termine le lendemain vers 12h30 avec l’arrivée à Estepona après une navigation de plus de 22 heures. On passe l’après-midi à faire des bricoles sur le bateau, et on se prépare à passer une partie de la nuit au quai pour un départ vers le Détroit de Gibraltar à 03h00 du matin. Nous sommes en train de souper dans le bateau lorsque tout d’un coup des petits cérpitements se font entendre partout sous la coque. Les bruits, très inhabituels, s’en vont en s’amplifiant, et on se précipite à lever les panneaux des cales pour voir si de l’eau rentre (non), ensuite on défait les panneaux électriques et débranche les batteries au cas où ce serait électrique, c’est pas ça non plus…. On commence un peu à paniquer car ça se fait entendre de partout et c’est très fort, des milliers de petits crépitements ou bruits, comme si des petites bulles d’air pétaient. On pense alors à la structure de la coque, et si la coque se fendillait? Oh la, la panique, on fait venir le gars de la marina à 21h00 le soir pour savoir si c’est possible de sortir le bateau, etc. Entretemps je suis sur Skype avec Yves, qui regarde les forums sur le web et trouve une explication pour le moins inusitée sur le blog d’une navigatrice… ce sont en fait des mini crustacés qui s’attachent au bateau, et qui font le bruit avec leuir pince ou en se faisant bouffer par des petits poissons! On les appelle les « snapping shrimps »!!! Y’a même un video sur YouTube à propos de ceci. De son côté, le gars de la marina en vient aussi à la conclusion que c’est fait par les poissons. Eh ben dis donc, nous en avons eu pour une bonne frousse!

On se remet donc au souper, puis on va faire dodo car le départ se fera dans la nuit.

Dimanche 13 septembre

Cette journée est le moment le plus marquant à date. Bernard me réveille à 6h30 car mon quart ce matin-là commence à 7h00, les gars ont quitté la marina pendant la nuit. Nous sommes alors au pied du Rocher de Gibraltar, à 500 mètres du bord. WOW!!!! Les lueurs du jour pointent à l’horizon mais il fait encore nuit, des dizaines de cargos sont ancrés partout autour, nous zigzaguons entre eux pour passer la pointe. Y’a plein de touts petits bateaux de pêcheurs partout aussi qui sillonnent l’entrée du Détroit. Je prends la barre à 7h00 comme prévu, et une fois les gros cargos un peu éloignés, les gars vont se coucher et je reste toute seule à la barre – et je ressens alors un moment exhilarant très intense. Le soleil se lève à l’horizon en une grosse boule rouge, je suis à la barre d’un gros voilier qui pénètre dans le Détroit de Gibraltar, je suis entourée de toutes parts de navires de tailles que je n’ai jamais vues, je laisse le Rocher, qui est très impressionnant, derrière moi, et je vois très bien les magnifiques côtes marocaines à ma gauche. Ce sont les moments pour lequel je fais tout ceci!

La navigation à partir de là se fait plus facilement, le jour se levant, et le Détroit s’élargit rapidement. Nous atteignons en quelques heures Tarifa, la pointe la plus au Sud de l’Espagne, et ensuite plus tard en milieu de journée le Cabo Trafalgar. Maintenant officiellement en Atlantique!!!

Mais malgré cela, le temps est ensoleillé mais le vent est au beau plat… Nous ferons du moteur jusqu’à vers 17h00, où finalement on commence à avoir assez de vent pour rentrer à Cadiz à voile 3 heures plus tard, une autre traversée de 16 heures sous la ceinture.

Baptême de la mer


Jeudi le 10 septembre, nous avons accueilli à notre bord notre nouveau compagnon de route, Robin, qui arrivait au train à 23h. Grand, mince, ancien aviateur qui n’a pas pu faire carrière en aviation commerciale, un peu crâneur, très français, adore se moquer de tout le monde et se prend pas mal au sérieux… Je sens que je vais être le souffre-douleur…

Après une petite visite rapide du bateau, quelques explications, une petite bouteille de champagne à 3 pour arroser le départ qui s’annonce, tout le monde va se coucher car vendredi sera, on l’espère, une grosse journée!

Vendredi 11 septembre

Ça y est, ça sent le départ. Le mécanicien se pointe finalement vers 9h00, met du gaz dans le frigo, tripote le groupe électrogène pour finalement décréter qu’il ne peux pas poser la pièce qui a pris 3 jours à venir, pose un support métallique pour le pilote automatique qui était cassé, ajuste le réglage du thermomètre du frigo, et demande 400 euros à Bernard pour ses aller-retour! Comme dit Robin, « ils sont gonflés les espagnols! ».

Bref on part sans groupe électrogène qui sert à nous alimenter en 220V à bord, mais au moins on a un frigo. Petit tour au quai d’essence, lunch rapide, et hop, on

démarre à 14h10! À peine sortis de la marina, on se prend de la houle de 2 mètres et du vent de 30-35 nœuds (miles nautiques à l’heure, presque le double en km/h), qui pour quelqu’une habituée au Lac des Deux Montagnes est quand même impressionnant, et ça brasse en masse! Rapidement ça forcit de quelques nœuds avec des rafales à 85 km/h et les creux de vagues deviennent plus grands, jusqu’à 3.5 mètres. On en aura pour 5 heures là-dedans, par vent presque arrière, à surfer les vagues et se faire trimbaler d’un bord à l’autre. C’est excitant car le bateau tient super bien la mer, mais ça brasse un peu trop pour mes petites trippes qui ne sont pas amarinées… je vous laisse deviner la suite. Mais bon, ça fait partie du voyage, je me doutais bien que ça allait arriver, mais peut-être pas les premières heures! Donc pour les 5-6 premières heures, j’évite d’aller en bas dans le bateau. On se divise en quarts de 3 heures chacun, et mon premier arrive à 19h00 le 1er soir. J’adore barrer le bateau, j’apprends tout de suite à bien surfer les grosses vagues (et à ne pas trop les regarder venir, ça fait moins peur), et je m’amuse comme une folle même si je saute le souper pour laisser mon estomac s’habituer. Au coucher du soleil, 2 petites baleines globicéphales noirs viennent s’amuser tout près du bateau, très mignon!

Samedi 12 septembre

Cette première traversée se termine le lendemain vers 12h30 avec l’arrivée à Estepona après une navigation de plus de 22 heures. On passe l’après-midi à faire des bricoles sur le bateau, et on se prépare à passer une partie de la nuit au quai pour un départ vers le Détroit de Gibraltar à 03h00 du matin. Nous sommes en train de souper dans le bateau lorsque tout d’un coup des petits cérpitements se font entendre partout sous la coque. Les bruits, très inhabituels, s’en vont en s’amplifiant, et on se précipite à lever les panneaux des cales pour voir si de l’eau rentre (non), ensuite on défait les panneaux électriques et débranche les batteries au cas où ce serait électrique, c’est pas ça non plus…. On commence un peu à paniquer car ça se fait entendre de partout et c’est très fort, des milliers de petits crépitements ou bruits, comme si des petites bulles d’air pétaient. On pense alors à la structure de la coque, et si la coque se fendillait? Oh la, la panique, on fait venir le gars de la marina à 21h00 le soir pour savoir si c’est possible de sortir le bateau, etc. Entretemps je suis sur Skype avec Yves, qui regarde les forums sur le web et trouve une explication pour le moins inusitée sur le blog d’une navigatrice… ce sont en fait des mini crustacés qui s’attachent au bateau, et qui font le bruit avec leuir pince ou en se faisant bouffer par des petits poissons! On les appelle les « snapping shrimps »!!! Y’a même un video sur YouTube à propos de ceci. De son côté, le gars de la marina en vient aussi à la conclusion que c’est fait par les poissons. Eh ben dis donc, nous en avons eu pour une bonne frousse!

On se remet donc au souper, puis on va faire dodo car le départ se fera dans la nuit.

Dimanche 13 septembre

Cette journée est le moment le plus marquant à date. Bernard me réveille à 6h30 car mon quart ce matin-là commence à 7h00, les gars ont quitté la marina pendant la nuit. Nous sommes alors au pied du Rocher de Gibraltar, à 500 mètres du bord. WOW!!!! Les lueurs du jour pointent à l’horizon mais il fait encore nuit, des dizaines de cargos sont ancrés partout autour, nous zigzaguons entre eux pour passer la pointe. Y’a plein de touts petits bateaux de pêcheurs partout aussi qui sillonnent l’entrée du Détroit. Je prends la barre à 7h00 comme prévu, et une fois les gros cargos un peu éloignés, les gars vont se coucher et je reste toute seule à la barre – et je ressens alors un moment exhilarant très intense. Le soleil se lève à l’horizon en une grosse boule rouge, je suis à la barre d’un gros voilier qui pénètre dans le Détroit de Gibraltar, je suis entourée de toutes parts de navires de tailles que je n’ai jamais vues, je laisse le Rocher, qui est très impressionnant, derrière moi, et je vois très bien les magnifiques côtes marocaines à ma gauche. Ce sont les moments pour lequel je fais tout ceci!

La navigation à partir de là se fait plus facilement, le jour se levant, et le Détroit s’élargit rapidement. Nous atteignons en quelques heures Tarifa, la pointe la plus au Sud de l’Espagne, et ensuite plus tard en milieu de journée le Cabo Trafalgar. Maintenant officiellement en Atlantique!!!

Mais malgré cela, le temps est ensoleillé mais le vent est au beau plat… Nous ferons du moteur jusqu’à vers 17h00, où finalement on commence à avoir assez de vent pour rentrer à Cadiz à voile 3 heures plus tard, une autre traversée de 16 heures sous la ceinture.

mardi 8 septembre 2009

L’aventure c’est l’aventure

Alors je vous raconte les premiers jours de mon aventure déjà pleine de péripéties mais qui malgré tout commence un peu au ralenti côté navigation…
J’arrive à l’aéroport de Montréal mercredi soir, pour apprendre que mon avion ne décollera pas car il a pris des oiseaux dans son moteur à l’arrivée. Je suis un peu contrariée mais comme Yves me dit : « Vaut mieux être dans le prochain que dans celui qui frappe des oiseaux! ». Ok, j’avoue.
On me met sur le prochain, ce qui, en plus, me met en retard de l’autre côté; je demande gentiment si du coup ils ne pourraient pas me mettre dans un train pour Malaga directo, et on m’accommode! Super ! Le lendemain, après un atterrissage sans histoires à Malaga, je prends un taxi pour une destination un peu plus floue… el puerto. « Hay un centro nautico en Malaga? » « No, no hay »…. Hum, perplexe. « Hay una officina? Donde va un velero visitante? » « Por alli. » On me désigne un bout de quai. Y’a pas de marina, y’a pas de capitainerie, y’a un bar, c’est tout. Et des très gros bateaux, et des grosses grues, mais très peu de voiliers. Bon, Bernard ne semble pas ici. Le taxi s’impatiente, je ne veux pas qu’il me laisse en plein milieu de nulle part avec mes 25 kilos de stock, et ma carte SIM espagnole que j’ai mise dans mon cellulaire est complètement déchargée! Yé, ça commence bien! Je me fais reconduire dans un endroit où je peux recharger ma carte d’abord, ensuite j’appellerai Bernard.
Bon, une fois ceci fait, Gen est très contente car elle a un portable qui fonctionne, je parle à Bernard pour apprendre qu’il est… à Almeria… à 230 km d’ici.
Merde. Je suis en pleine rue, j’ai plein de bagages… lui est immobilisé par la perte de l’hélice de son moteur à l’entrée du port d’Almeria. Plouc! dans l’eau sur un coup de reculons. À 6 m de profond…
Il me dit, prends-toi un hôtel, et demain j’arrive!

Donc ma première soirée et journée se passent à Malaga, en découverte de la ville. Malaga n’est pas une très jolie ville. C’est une ville culturelle, il y a plusieurs monuments d’exception, elle jouit d’un climat très doux et d’un beau littoral, mais manque de charme. Y’a des gratte-ciels (plutôt : tours à appartements) partout qui défigurent le coup d’œil, beaucoup de grues qui en construisent d’autres, est très bruyante. Elle semble avoir complètement tourné le dos à son long héritage mauresque sauf avec l’Alcazaba (forteresse Maure) et son château, et est peuplée d’édifices mignons relativement récents selon les standards européens mais qui n’ont pas de charme, de restos touristiques et de magasins haut-de-gamme.
Bernard passe la journée à attendre des plongeurs qui finalement ne retrouvent pas son hélice, et moi à l’attendre. Il finira par arriver à 21h30 en voiture de location avec ses 2 copains qui ont fait un bout sur le bateau avec lui – et là la rigolade commence! On me présente, bonjour Karim, bonjour Akli; 2 français d’origine algérienne, anciens sportifs professionnels, rigolards, qui ont trop de cash à flamber et des caractères hauts en couleur. Avec eux, même partir manger est une aventure : c’est compliqué, ils s’engueulent… Mais bon, c’est mon aventure alors je ferme ma gueule et je regarde, amusée.
On soupe, on reste dormir à Malaga, et on rentre tranquillement le lendemain après avoir laissé les 2 cocos dans une station balnéaire près de Malaga. En route, Bernard me racontera qu’en fait, les copains dont c’était le premier tour en bateau, ont été un cauchemar en mer. Ils s’endormaient sur les quarts de nuit après 15 minutes, ils avaient la chienne à la moindre vague, ne pouvaient pas descendre car ils étaient malades donc n’ont pu rien faire, etc. Il ne semblait pas trop fâché de les larguer!

Arrivés à Almeria, nous avons fait une grosse épicerie, et je me suis installée dans mon nouveau chez moi pour un mois.
Les prochains jours se sont passés à essayer d’abord de trouver des plongeurs, trouver une hélice à commander, trouver des mécanos qui se pointent quand ils disent qu’ils se pointent, etc. Bref, c’est le sud de l’Espagne, et tout se fait très lentement, les gens ne sont pas toujours super fiables, et il faut sortir du pognon pour être servis! Mon espagnol sert bien car Bernard le baragouine à peine, donc je suis maintenant une experte en hélice de moteur, en espagnol de surcroit!
Ce matin, bonne nouvelle, Bernard a maintenant commandé une hélice d’un concessionnaire Jeanneau, nous devrions l’avoir demain. Nous avons aussi trouvé un endroit près d’ici ou nous devrions aller à voile pour faire sortir le bateau, poser l’hélice, et le remettre à l’eau pour finalement NAVIGUER!

mercredi 2 septembre 2009

Le début d'une aventure

Voici ma toute nouvelle expérience avec le monde du blog.
Suite à des demandes répétées de certaines personnes, et logistique obligeant (je n'aurai pas internet souvent et pas pour longtemps donc je ne risque pas de pouvoir écrire beaucoup individuellement), cette nouvelle réalité technologique s'insère insidieusement dans ma sphère.

D'abord, un petit cours "101" de récapitulation pour ceux qui n'ont pas suivis mes péripéties. Je suis en sabbatique de 28 semaines depuis le 29 juin, retour le 18 janvier. J'ai passé l'été en vacances (quel délice) en Italie et au Québec. L'automne devait originellement se passer en Italie, mais mon amoureux et moi ayant décidé que nous avions des objectifs de sabbatique différents (lui, il fera de la recherche affilié à un institut en Italie), je "volerai" donc solo à partir du 3 septembre pour la durée de l'automne, pendant qu'Yves se fera griller les neurones sous le soleil du Piedmont.
Mon 2e plan consistait à un stage bénévole avec une fondation oeuvrant en conservation des océans, 1 mois dans leur bureau, et un mois sur leur voilier (bateau d'expédition scientifique de 100 pieds) dans la Mer Adriatique. Cela n'ayant pas fonctionné non plus, me voilà à mon plan C (qui soit-dit en passant, est probablement le meilleur...).
Je m'embarque comme équipière pour visiter la planète, ou une partie en tout cas, en faisant du pouce sur des voiliers.
Hé oui, en même temps je réalise un rêve!

Donc au fil des jours, des petites annonces, en épluchant les blogs et les forums, me voilà maintenant équippée d'une demi douzaine de réponses de marins ayant bateau cherchant équipier, un peu partout dans le monde. C'est une plongée brutale dans un tout nouveau monde, et on se doit de naviguer les écueuils de main de maître, tels petites-annonces du style "capitaine seul ayant bateau cherche jolie équipière pour partager voile et plus et naviguer îles romantiques, etc.".

Bref, une fois qu'on met ses objectifs clairement sur la table, il y a des annonces légitimes et du bien bon monde là-dedans.
Donc premier cap, vers Malaga en Espagne. Je prends un vol pour Madrid, ensuite un train vers Malaga, et de là j'embarque sur un magnifique Jeanneau 47' qui s'appelle SUNRISE, pour 3 semaines de navigation intense. Et pour commencer, je choisis bien évidemment certains des coins les plus difficiles à naviguer au monde! Notre itinéraire sera Malaga-Gibraltar, pour traverser le fameux détroit où les courants sont brutaux et le nombre de bateaux effarants parait-il, pour ensuite s'arrêter à Cadiz, puis Lisbonne, Lagos, Vigo et Gijon sur la côte nord espagnole. Pour ensuite traverser le Golf de Gascogne vers La Rochelle, puis à nouveau vers Brest, puis Cherbourg, et arriver à Dunkerque quelque part à la fin septembre.
De là, mon prochain bateau sera peut-être dans les Cyclades et le long de la côte de la Turquie, reste à confirmer. Puis j'espère une traversée transatlantique des Baléares ou des Canaries vers les Antilles, quelque temps en novembre, si le vent m'y mène. Sinon, on verra.
Alors si ça vous chante, vous pourrez m'y suivre avec ce blog. Désolée, je ne suis pas très lyrique, mais je promets de l'agrémenter d'anecdotes juteuses et de belles photos.

À bientôt les amis, souhaitez-moi bon vent!
Et écrivez-moi, il me fera toujours grand plaisir de vous lire.

Geneviève