vendredi 28 juillet 2017

Jour 4 – Golfe du St-Laurent et Détroit de Canso

Journée tranquille à bord – pendant la nuit nous avons navigué jusqu’au milieu du Golfe du St-Laurent, et nous passons les Iles de la Madeleine au loin au petit matin. Dommage car j’aurais vraiment aimé voir les Iles de cette façon! Nous pourchassons le vent, qui supposément nous attend en Atlantique Nord lorsque nous aurons traversé le Détroit de Canso séparant le Cap Breton et la Nouvelle-Écosse. Mais en attendant, on fait encore du moteur. La tâche quotidienne – huiler les blocs de poulie à l’huile de teck - nous occupe pendant une couple d’heures sous un soleil radieux – c’est notre journée la plus chaude à date! Exit le mythe du mauvais temps dans l’Estuaire et le Golfe du St-Laurent, nous n’avons eu que de la température absolument fabuleuse depuis le départ. Quelques mots sur la vie à bord qui s’est installée doucement, chacun ayant pris son rythme. Le matin démarre lentement car tout le monde se lève à des heures différentes, en essayant tant bien que mal d’être silencieux dans le dortoir. Quand les gens sont de quart, ils s’habillent en conséquence et s’assurent de manger avant. Le quart de 4 heures commence avec une petite réunion avec notre membre d’équipage superviseur, et les tâches sont distribuées à tour de rôle : chef d’équipe de quart, navigateur, barreur, vigie (1 par côté), matelots de pont. Parfois, surtout quand nous sommes à moteur, il y a des longueurs et pas grand chose à faire. Par contre, à voile, on s’amuse beaucoup J
Lorsque nous ne sommes pas de quart, nous dormons, mangeons, lisons, jouons aux cartes, regardons la mer, aidons aux manœuvres lorsqu’ils y a des gros mouvements des voile, etc. C’est une routine qui roule bien et qui est nécessaire au bon fonctionnement du bateau. Les filles de l’équipage sont très rigolotes, elles font leur workout quotidien et du yoga sur le pont. Nous avons aussi de temps en temps des séances de formation sur les nœuds, les voiles et le vent, les cordages, etc.
  


Le 1er highlight de cette journée plutôt monotone – une sortie sur le beaupré, qui est le long mât horizontal qui s’étend devant la proue et sur lequel sont fixées les trois voiles avant. Lorsque nous nous y aventurons, ça prend un harnais et nous devons nous attacher à la ligne de vie, car il s’avance directement au–dessus de la mer, et il n’y a qu’un filet pour nous retenir en cas de chute. Épeurant la première fois! Mais c’est mon endroit préféré dans le bateau, pour la vue qu’on a du reste du navire, mais aussi pour la sensation de flotter dans le vide. On y a une excellente vue de l’étrave fendant les vagues et on y ressent de façon optimale le mouvement du bateau sur l’eau. C’est toujours le plus avant possible de n’importe quel bateau que je me sens toujours le plus libre et où j’apprécie le plus la navigation à voile. Ce jour-là j’ai pris des super photos sur le beaupré et j’y ai passé une partie de l’après-midi, jusqu’au coucher du soleil – le bonheur!!!!
 
Vers 20:30 nous accueillons un pilote à bord qui nous amènera à travers le Détroit de Canso, ce qui nous prend environ 2 heures. À mon début de quart à 22 :00, nous avons une nuit noire et très douce, remplie d’étoiles, et mon énergie revient tranquillement. Vers 03h00, Michael, le 2ème officier, sort son sextant – enfin je vais apprendre comment utiliser ce superbe objet! La navigation céleste est encore très obscure pour moi, et mon ami Igor m’a récemment fait un super cadeau en me léguant le sextant de son papa, un marin de toujours. J’aimerais tellement pouvoir apprendre à m’en servir. Mais les astres ne sont pas avec nous ce soir, car lorsque nous avons suffisamment de lumière pour pouvoir clairement identifier l’horizon, vers 04h00 du matin, les étoiles perdent trop rapidement leur brillance et deviennent trop faibles pour pouvoir les suivre adéquatement dans le miroir du sextant. J’ai tout de même un mini cours sur le fonctionnement de cet objet plein de mystère, tout juste assez pour avoir le goût d’aller faire un cours. Le dodo est tardif, les lueurs du jour se pointent déjà, la nuit sera courte.






mercredi 26 juillet 2017

Jour 3 – Pointe de la Gaspésie et Percé!

Journée de grande émotion aujourd’hui! En me levant vers 8h30, encore un peu dans les « vaps », je monte sur le pont pour me retrouver devant les falaises rouges de la côte entre Percé et Pointe St-Pierre. Je cours en bas chercher ma caméra, je cours en haut à la timonerie pour m’enquérir des intentions du Capitaine, bref je cours partout d’excitation à la seule pensée que nous entrons dans la Baie de Percé en voilier. Ma joie n’en est que plus grande quand le Capitaine nous annonce que nous allons s’ancrer devant le Rocher Percé et descendre à terre pour quelques heures. Wow… arriver à Percé sous voile, à bord d’un grand voilier – c’est absolument magique pour moi, et sans trop savoir pourquoi cela m’émeut à un point que je me mets à pleurer, au grand amusement de mes coéquipiers. C’est comme un « coming home » pour la petite Gaspésienne d’adoption que je suis, et en plus c’est d’une splendeur indescriptible. Rarement dans ma vie ai-je eu l’immense privilège d’accomplir un rêve que je ne savais pas que j’avais J
La première chose que je fais c’est de prendre le téléphone et d’appeler mon père et Lucie, qui m’avaient demandé la veille si on irait à Percé et à qui j’avais répondu que non, je ne pensais pas que c’était dans les plans. Dès que Lucie répond, je lui dis d’une traite « Embarquez dans votre char et venez-vous en à Percé, on y sera pour les 4 prochaines heures »… Je devais être un peu survoltée et ma voix a dû monter de trois crans car Lucie de me répondre : « Madame, je ne comprends rien de ce que vous me dites mais je pense que c’est un mauvais numéro »… Fou rire – je calme ma voix, et lui explique plus lentement la chose. Cela ne leur a pas pris trop de temps à se décider car 20 minutes plus tard j’avais un message me confirmant qu’ils s’en venaient.

Grande excitation à bord, ce qui fait qu’on oublie à peu près les quarts. On tourne autour du Rocher, les bateaux touristes eux nous tournent rapidement autour, on prend un millier de photos – et surtout d’une scène particulièrement scénique lorsque Wylde Swan, un autre grand voilier de RDV2017, qui nous suit de près, passe derrière le Rocher et qu’on arrive à photographier par le trou. One in a lifetime J

L’équipage laisse tomber l’ancre, qui est en passant immense et nécessite un moteur électrique (guindeau) de la taille d’une Smart ou presque. On se met à plusieurs pour attacher le gros zodiac noir du bord à une drisse, pour le descendre ensuite à bras et cordages dans l’eau du pont supérieur. On ramasse rapidement quelques affaires, et hop tout le monde dans le dinghy pour la visite à terre. Génialissime!!
Dans mon ordre de priorité – je veux d’abord me trouver du linge, au moins un collant et un autre t-shirt ou chandail léger à manches longues. Deuxième priorité : acheter des snacks, car je saute le petit-déj pour dormir une heure de plus le matin, et j’ai des fringales durant le quart de nuit. Me voilà donc écumant les boutiques de Percé en recherche de mon trésor, en attendant l’arrivée de Papa et Lucie, qui finalement me rejoignent à temps pour que nous puissions partager des guédilles à homard et à crevettes autour d’une bonne bière bien méritée (le bateau est complètement dry quand nous naviguons). Je suis trop heureuse de les voir et de partager avec eux mon bonheur d’être là (comme a dit une fille dans le bateau : « toi, t’as trois ans depuis que tu es arrivée sur le bateau)… j’imagine que mon excitation est visible!

La courte escale s’achève mais au moins Papa et Lucie ont pu très bien voir le bateau du quai et prendre quelques photos. L’après-midi passe vite car on doit ramener le dinghy à bord, et faire Happy Hour (nettoyage des douches et toilettes aujourd’hui pour mon équipe). Nous levons l’ancre finalement vers 17h00, les yeux remplis de magie, et filons directement vers la pointe nord-est de l’I-P-E. Le cap fixé nous amènera en plein Golfe du St-Laurent, très au large de I-P-E et au Sud des Iles-de-la-Madeleine. Le deuxième highlight de la journée est le quart de nuit, que nous avons divisé en deux ce soir car nous sommes à moteur (encore pas de vent L) et il n’y a pas grand chose à faire. Mais la nuit, en l’absence de lune, est d’une clarté sublime et les étoiles se sont mises à briller de leurs mille feux. Un des officiers, Michael, est beaucoup plus sympa que les autres et est très intéressé par la navigation et l’astronomie, donc on passe un bon moment à tous regarder et identifier les étoiles et les planètes, car on voit Jupiter et Vénus de façon hyper claire. Et il fat un temps très doux, pas du tout comme ce que nous avons expérimenté dans le fleuve, à un point tel que lorsque 02h00 arrive, nous sommes plusieurs à ne pas avoir envie d’aller se coucher.  Demain il nous promet un cours de navigation céleste avec sextant – Hâte!!!!

Log book: 
Route approx: Détroit d’Honguedo à Percé, puis jusqu’au Golfe du St-Laurent
Distance 132 NM 
Vent très variable – E – S - O 3-10 nds 
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mardi 25 juillet 2017

Jour 2 – L’estuaire du St-Laurent : Iles du Bic au Detroit d’Honguedo (environ Cloridorme)

La météo est toujours très clémente au petit matin, alors que je m’extraie de ma couchette vers les 8h00 pour attraper le petit-déj – pas très copieux ni varié; on a des tranches de pain avec de la confiture, du beurre d’arachide, des tranches de fromage et de petites viandes froides de mauvaise qualité. Si on fait escale, je fais des provisions!
Après une douche rapide (car on conserve l’eau sur un bateau), je me prépare tranquillement pour le prochain quart de 10h00 qui arrive vite quand tu te couches à 03h00 et tu termines le petit-déj à 8h45.

Nous avons quitté la Côte Nord de l’estuaire et avons maintenant un cap qui nous rapproche à moins de 5 miles nautiques des côtes de Cap Chat, ce qui donne une vue imprenable sur les Chics-Chocs. Le bateau n’avance vraiment pas vite, en moyenne 6-7 nœuds, et nous hissons et affalons les voiles au gré des humeurs d’Eole qui joue avec nous en nous envoyant tour à tour du vent du Nord-Est et du Sud-Ouest.
Finalement la seconde officier décide d’affaler tout ça et de mettre le moteur à fond, ce qui nous donne un peu plus de vélocité et nous donne l’impression de finalement avancer.

Le quart de jour sur un bateau, surtout quand on est à moteur, est affairé souvent à faire des petites tâches d’entretien. Aujourd’hui nous n’y échappons pas, je passe les deux premières heures du quart à huiler les planches de côté des 2 ponts avec de l’huile de teck, et en plus je trouve ça relaxant J. Par contre on se rend vite compte que comme dans toute équipe, tous ne partagent pas le lot de la même manière. Nous avons à bord des apprentis-matelots qui sont un peu moins bien équipés que d’autres (on se demande s’ils s’en allaient sur un bateau de croisière en Floride…) et certains qui sont un peu moins prompts à aider et à accomplir les tâches qu’on leur donne. Je travaille très fort à ne pas me laisser affecter par la frustration qui en résulte souvent.

Chaque jour, nous avons une séance appelée « Happy Hour », où tous les passagers sont appelés sur le pont avant. Malheureusement, aucun cocktail n’y est distribué, c’est plutôt l’heure de lavage quotidienne du bateau! Chacune des 3 équipes est assignée en rotation soit aux ponts, à l’intérieur de la salle commune, ou aux dortoirs et salles de bain. Moppe en main, chiffon sur l’épaule, les 33 apprentis matelots frottent et frottent pour rendre notre belle goélette à trois mâts toute propre malgré ses 44 passagers! L’après-midi est aussi agrémenté d’un exercice de sécurité: « Abandon Ship drill ». Très divertissant, compte tenu qu’on nous fait enfiler des combinaisons d’immersion énormes et extrêmement inconfortables, comme nous devrions le faire en cas d’une réelle évacuation. Avec un body suit en néoprène isolé avec gants et casque de caoutchouc et une énorme fermeture éclair qui enforme notre corps dans cette combinaison de survie, nous avons tous l’air de bonhommes lunaires. Cela donne lieu à bien des fous rires et quelques photos cocasses J
La journée est douce, la mer est magnifique et calme – et nous avons droit à un coucher de soleil d’une heure et demie, fidèle à ce que cette partie du monde sait nous donner. La lumière dorée à travers le hublot du navire me ravit et je me répète pour la 55e fois aujourd’hui à quel point je me sens privilégiée de vivre cette expérience. 


Après le souper, un membre d’équipage qui étudie les cétacés nous fait une petite conférence improvisée sur les baleines que nous pourrions rencontrer en chemin – c’est incroyable le nombre d’espèces différentes qui vivent dans cette partie du monde!!! Nous avons vu un peu de bélugas le premier jour au large de St-Siméon, j’espère voir des dauphins et au moins une grosse baleine d’une espèce que je ne connais pas – à suivre!

On se prépare pour le quart de 22h00 en se disant qu’il fera moins froid que la veille selon la météo – mais le ciel partiellement couvert et l’humidité qui est plus présente fait mentir le Dieu météo. Ayant allégé mes bagages à Québec par peur d’en apporter trop, je réalise que j’ai laissé trop de vêtements chauds derrière et je gèle un peu dehors la nuit. Ce soir je prend la barre – et nous passons les 4 prochaines heures à jouer au chat et à la souris avec les bateaux de pêche et les chalutiers qui eux, n’ont pas de cap et naviguent au gré des bancs poissons, mais dont la conduite erratique peut être très dérangeante pour un grand bateau qui ne se « tourne pas sur un dix sous ». Nous avons beaucoup moins d’étoiles que la veille et le ciel se confond avec la mer dans la nuit noire – ce qui donne une impression un peu étrange de flotter dans la nuit. Mais à la barre d’un bateau au milieu du néant, on a l’impression de posséder le monde.

Log book: 
Route approx: Du large des Iles du Bic au large de Cloridorme (00:00 à 00:00) le long de la Côte Sud de l'estuaire  - sous moteur et voile 
Distance 145 NM 
Vent SO à O 3-10 nds 




JOURNAL DE BORD 
Gulden Leeuw - Embarquement et Jour 1




Ça y est, une nouvelle aventure commence!
Après une semaine pleine d’émotions comme agent de liaison bénévole pour le RDV2017 – Grands voiliers à Québec, me voilà embarquée sur une d’entre eux, le Gulden Leeuw (Lion d’or), qui porte pavillon néerlandais.
D’une longueur de 55 mètres, 3 niveaux de pont, ce grand voilier a été construit en 1937 par le gouvernement Danois comme bateau de recherche, mais il servira aussi à l’approvisionnement et à la formation nautique. Il a été converti en goélette à hunier récemment et peut accueillir jusqu’à 56 apprentis-matelots.
Samedi le 22 juillet, 16h20: c’est l’embarquement et le briefing des nouveaux apprentis-matelots. Nous sommes une trentaine – de tous les âges entre 20 et 77 ans.
Des membres de l’équipage (ils sont 11) nous accueillent, font un briefing rapide du bateau, nous orientent à travers les cordages (il y en a des douzaines et le tout est super compliqué!), et nous parlent un peu du voyage à venir. C’est un peu long mais déjà on sent la fébrilité et l’excitation qui commence à monter!
Par contre, petite déception en arrivant au pont inférieur – des couchettes en rangées, superposées par deux et non isolées les unes des autres, et dans un seul grand dortoir à peine séparé hommes-femmes - nous attendent. Hey boy, ça ne sera pas le luxe ça! Un matelas de fortune un peu défoncé, un casier en bois qui peut à peine contenir la majorité de mes affaires – voici mon domaine pour 8 jours. Et hop, on s’adapte de bon coeur, nous serons en mer après-tout! Par contre, ce soir-là en revenant au bateau pour y passer ma première nuit, après une soirée passée avec les copains à regarder les Feux d’artifice pour la clôture de RDV2017, je prends conscience de la pleine ampleur du défi de m’y coucher en ne perdant pas mes affaires dans le noir et en ne me pétant pas la tête sur la couchette d’en haut. Demain je vais m’organiser, mais là, après une heure de « Watch » sur le pont entre 01h00-02h00 pour sécuriser la passerelle des potentiels fêtards un peu trop enthousiastes, c’est le temps du dodo car c’est « all bodies on deck » at 06h30 demain. C’est quand même très fébrile que je réussis à m’endormir, somme toute très bien, galvanisée par l’aventure à venir.
Dimanche le 23 juillet. Réveil à 06h00, sur le pont à 06h30, c’est le grand départ ce matin. Nous remonterons le fleuve presque jusqu’au Pont de Québec avec les 38 autres voiliers, pour ensuite redescendre lors de la marée descendante, toutes voiles dehors. Les manœuvres pour quitter le quai se font rapidement, il y a déjà une douzaine de bateaux qui ont quitté le Bassin et qui sont devant nous; les zodiacs de la police et les remorqueurs sillonnent le Port, les voiliers saluent leur départ par de longs signaux sonores, c’est extrêmement émouvant et j’en ai « le moton » avant même qu’on quitte notre quai.
(Photos de l'orientation et la première journée plus bas)
Ça prend à peine 30 minutes et l’équipage nous a au travail pour monter les voiles. Le vent est très léger et il faut un temps magnifique, c’est parfait!
Première surprise (et non la moindre), on enfile des harnais et on se fait briefer sur comment monter au mât pour aller détacher les voiles carrés du mât de misaine. On regarde en haut, ça parait faisable, on se sent brave et on est plusieurs à se porter volontaires. La grimpe se fait dans une échelle de corde (il y en a une de part et d’autre des mâts), un pied et une main à la fois. La nervosité me prend rapidement en montant, et j’ai soudainement, environ à mi hauteur, un petit moment de panique qui m’étreint. Je pause, prend une bonne respiration, et réalise que le stress et l’adrénaline m’ont fait agripper les haubans entre lesquels l’échelle est tissée beaucoup trop fortement, ce qui fait que mes muscles de bras tremblent. J’ai peur de ne pas pouvoir monter et que mes muscles flanchent – le Capitaine me voit hésiter, me dit que si je ne peux pas poursuivre je dois redescendre – et je m’entends lui répondre d’une voix assurée que non, ça va, j’avais juste besoin de prendre mon souffle. Je pousse vers le haut sous l’influence de l’adrénaline qui commence à emplir mes veines jusqu’à la première vergue (« the yards » - barre de flèche traversant le mât de part et d’autre sur lequel est installé chaque voile carrée), puis la deuxième où m’attend un membre de l’équipage qui me donne des instructions pour bien m’attacher, et ensuite aller latéralement jusqu’au bout complètement de la vergue, sur un seul fil de fer sur lequel poser mes pieds. Là un autre petit moment d’hésitation, car je comprends soudainement (car seulement là j’oses regarder en bas) que je suis vraiment haute (30 mètres environ), et que j’ai intérêt à penser à chaque geste que je poses si je ne veux pas me retrouver à me balancer dans le vide attachée par un mousqueton et sangle à la taille…
Une fois la frayeur passée, je m’habitue et je profite du paysage. C‘est un sentiment extraordinaire – à couper le souffle tellement c’est beau! Le confort s’instal ainsi qu'un délicat équilibre entre serrer de toutes mes forces la barre de fer sur la vergue et me balancer un peu par arrière pour alléger la pression sur mes genoux et mes jambes. Mon corps s’habitue à ce nouvel environnement, mon cœur se calme, ma tête se tait. Je profite pleinement du moment – jusqu’à l’instant où je dois recommencer à me déplacer pour détacher la voile. Après environ 30 minutes dans « the yards », je redescend d’un pas plutôt assuré, lentement mais surement, et je me dis que je viens de vivre un moment magique. 
Le reste de la journée se passe super bien, nous avons une météo extraordinaire même si peu de vent. Nous sommes divisés en 3 équipes de « quart » de 11 personnes chacune, supervisée par un équipier – chaque équipe fera 2 quarts de 4 heures à chaque jour. Les nôtres sont de 10h-14h, et 22h-02h chaque jour.
Donc après la Parade, petit-déj, puis apprentissage de la voilure et des cordages. Il y a 13 voiles sur le bateau dont 4 voiles carrées. Chaque voile a en moyenne 4 à 6 cordages, donc ça vous donne une idée de ce dont le carrousel de cordes peut avoir l’air! Malgré toute mon expérience ce navigation, ça me prendra certainement quelques jours à apprendre tout ça.
Nous prenons notre premier quart à 10h, et les prochaines 4 heures sont consacrées à une orientation sur le fonctionnement des quarts et les différentes fonctions qui doivent être assumées. Nous prendrons tous une fonction à tour de rôle. Ça passe super vite et nous commençons à nous sentir plus à l’aise dans le bateau.
Le deuxième quart de la journée, de 22h à 02h00, est plus intéressant. Nous sommes à la hauteur du Bic lorsqu’on prend notre quart – et on me désigne comme « watch leader » pour ce premier quart de nuit, ce qui me donne le bénéfice non négligeable de pouvoir rester une bonne partie du temps dans la timonerie (cabine sur le pont supérieur d’où est effectuée la navigation).
Dotée de plusieurs instruments tels 2 GPS, 3 radio marines VHF sur différentes fréquences, un Loren C, un radar, un récepteur de signaux AIS qui nous permettent d’identifier les autres bateaux autour, baromètre, etc.
Mais la navigation, malgré l’aide du GPS, est faite sur carte marine, comme je l’ai apprise – ce qui me donne la chance de revisiter mes connaissances un peu rouillées, et de me découvrir des aptitudes de professeur car les autres 10 personnes de mon quart n’ont aucune expérience en navigation. J’ai adoré!
La nuit est super claire, le couvert d’étoile est lumineux, mais il fait très froid (10 sur le fleuve c’est frette en pleine nuit...). La nuit se termine pour moi à 03h00, et je tombe de fatigue dans ma couchette très inconfortable – et je dors comme un bébé 
Demain sera un autre jour et j’ai déjà hâte!

Photos: https://www.facebook.com/genevieve.leclerc.336/media_set?set=a.10154815648312215.1073741864.705632214&type=3