jeudi 29 octobre 2009

Grèce et Turquie, suite et fin…

Je réalise que j’ai laissé couler une longue période sans rien écrire… clairement je n’avais pas grand-chose à dire ou je ne sentais pas l’inspiration.
Mon voyage dans les îles grecques et le long de la côte de Turquie s’est terminé tout doucement, sans grand fracas. Il correspond aussi à une période de stabilisation émotive chez moi, et d’apaisement. Qui a dit que c’est dans la douleur qu’on trouve l’inspiration!? Cette prophétie semble bien à propos chez moi….
Nos derniers jours en Grèce se sont déroulés dans une petite île appelée Nisyros, dans le mignon port de Pali. Un petit paradis cette île. Tout d’abord, il faut préciser que dans les îles grecques, c’est très rare de devoir payer un port, ce qui est génial car ailleurs en Europe ça peut être cher. Mais les services sont également restreints; on doit s’amarrer « cul à quai » car il n’y a pas de pontons, et les branchements d’eau et d’électricité sont presque toujours inexistants sauf dans les vraies marinas. Mais cela confère une atmosphère bon enfant au cabotage d’île en île qui est très chouette. Pali est un de ces petits ports où sont amarrés une quinzaine de voiliers en plus d’une autre quinzaine de tous petits bateaux de pêcheurs (incroyable la petitesse des embarcations des Grecs et des Turcs sur les côtes!), où tout est informel et sympathique. Juste devant l’emplacement de notre voilier se trouvait une taverna (pas une taverne comme chez nous – une taverna en Grèce est un petit resto familial qui sert des repas locaux et des boissons) dont nous avons croisé le proprio en arrivant, qui lui-même rentrait de sa pêche de la journée avec un sceau plein de bonites fraîches. Nous nous sommes empressés de demander s’il les vendait pour se faire répondre qu’il les vendait (préparés) à sa taverna. Si bien qu’après une bonne douche sur le bateau, une petite bière fraîche et une balade dans le village (ce qui a pris 4 minutes…), nous n’avons pas hésité à lui commander une belle grosse bonite grillée pour ce soir-là. Ce fut notre meilleur repas en Grèce, et de loin. Pour une fois, tout ne baignait pas dans la friture (malgré les patates frites de circonstances qui venaient avec…) et on ne peut pas avoir de poisson plus frais que ça! Petite voiture
Le lendemain nous avons loué une petite voiture, pour la somme faramineuse de 30 euros (et payée cash!!! Je présume que ce n,est pas très dangereux qu’on parte avec compte tenu que l’île au complet fait à peu près 25 km de long), et sommes partis en balade vers le volcan Stefano. Les îles des Dodécanèses sont volcaniques, mais Nisyros a encore un volcan semi actif, qui n’a pas eu d’éruption proprement dite depuis 17 000 ans mais qui a eu des explosions hydrothermiques plusieurs fois depuis les derniers 15 siècles. Le caldera a en son centre un cratère principal et 3 autres plus petits qui sont truffés de fumeroles dégageant des vapeurs d’eau et de souffre atteignant 103 degrés. Le volcan est en lui-même très impressionnant, et les petites structures formées de souffre pur qui entourent les fumeroles sont les plus jolies que j’ai vues dans un volcan. Au milieu du cratère principal, dans lequel on peut descendre, des piscines de boue bouillante crachent des vapeurs et bulles argileuses et menacent de s’enfoncer sous tes pieds si tu en approches de trop près. Après le volcan, petite virée à Nikia, joli petit village accroché aux flans extérieurs du massif volcanique surplombant la mer, mais qui sous la surface rutilante révèle après une balade dans ses ruelles une triste histoire d’exode et de demeures abandonnées depuis des dizaines d’années. Autrefois un village dynamique, Nikia compte maintenant seulement 35 résidents permanents, et quelques dizaines de plus de citoyens exilés en Amérique ou en Australie qui y reviennent en été. Les ruelles sont bordées de jolies maisons grecques dont la chaux extérieure est diligemment refaite à tous les ans et dont les murets des cours regorgent d’hibiscus ou de bougainvilliers, mais le tout est entremêlé de nombreuses vieilles maisons de pierre abandonnées et en ruine. Dans les rues, beaucoup de chats (ils sont rois et maîtres dans les îles grecques, et le savent…), un
seul café ouvert avec un propriétaire rigolo qui semblait s’emmerder à mourir, Payanotis, qui était ravi de voir deux femmes se balader et encore plus ravi de me pincer la taille en douce quand on a prit une photo ensemble…

Après être restés à Nisyros 2 jours, nous avons levé l’ancre pour la Turquie, et avons parcourus les 10 petits milles qui nous séparaient de la côte turque pour aller jeter l’ancre à Knidos, ancien port hellène construit dans une baie naturelle qui présente encore de jolies ruines. Ce fut un petit mouillage tranquille, et le lendemain nous avons mis cap sur Datça pour un ravitaillement nécessaire. Prévoyant y passer seulement une heure, nous avons fini par y passer la nuti car Francis et Patricia, allant s’enregistrer aux autorités du port, ont eu des démêlées avec ces derniers qui ont retardé le départ… je vous explique : tout d’abord, la Grèce et la Turquie font tout ce qu’ils peuvent possiblement faire pour s’emmerder mutuellement et ne font rien du tout pour faciliter le passage des touristes, et encore moins des bateliers, d’un côté à l’autre du mince détroit qui marque physiquement les deux solitudes. Ce qui fait que les formalités pour entrer et sortir de l’un et de l’autre pays, ou d’y inscrire une embarcation ou des passagers, sont un fouillis bureaucratique incroyable qui teste la patience de tout bon « voileux ». Premièrement, en Grèce, comme en Turquie (mais c’est pas excusable pour la Grèce qui fait maintenant partie de l’Union Européenne), il faut s’enregistrer avec son bateau quand on veut naviguer ses eaux et se faire créer un « transit log ». Il faut payer. Ensuite, tu dois enregistrer les allées et venues de tes équipiers à chaque changement. Il faut encore payer. Mais si tu changes de pays, tu dois te déclarer à la sortie du pays, ce qui rend ton transit log caduque, et t’enregistrer en rentrant dans l’autre et te faire créer un autre log. Ce qui rend douloureux l’aller-retour des îles à la côte (on comprend ici qu’il y a 2-3 heures de navigation entre les deux seulement), ce qui serait un mouvement naturel pour un capitaine qui cherche à naviguer avec la météo et à parfois besoin de se mettre à l’abri d’un vent du nord, parfois de l’est, etc. et choisirait ses mouillages ou ports selon, surtout qu’il y a peu de ports sur la côte turque et ils sont éloignés les uns des autres. Ce que tout le monde fait pour contourner la chose, c’est qu’ils s’enregistrent en bonne et due forme de chaque côté, et ensuite naviguent entre les deux sans se déclarer sortant ou réentrant dans l’autre pays, tout en étant en ordre dans le pays où ils naviguent à tout moment.
Ce qui a compliqué la chose, et que Francis n’avait pas prévu, c’est que nous avions recueilli Patricia sur une île grecque qu’elle avait rejointe par ferry, alors que Marie et moi avions été ajoutées au log en Turquie. Hors, pour ne pas déclarer qu’il avait été en Grèce car il n’avait pas fait sa sortie de Turquie, Francis a fait croire que Patricia était montée à bord dans le port précédent de Turquie. Mais Patricia avait été enregistrée au départ de Turquie et entrant en Grèce car ceci s’était fait officiellement sur le ferry… Problème… En plus ils sont tombés sur un jeune policier turc arrogant et de mauvaise humeur, qui n’a pas trop apprécié la manœuvre et les a niaisés pendant 2.5 heures avant de se faire ramener au calme par son supérieur. Bref, un mauvais moment pour eux fut passé à tenter de se dépatouiller dans les humeurs bureaucratiques qui paraissent bien évidemment surtout politiques. Marie et moi pendant ce temps en avons profité pour visiter un peu Datça qui est charmante et se prendre une petite bière sur le bord du port.
Le voyage tirait à sa fin. Nous avions décidé de piquer vers Marmaris, grand port touristique au sud de la Turquie, pour que chacun puisse poursuivre sa route. Moi je cherchais à rejoindre un aéroport pour rentrer en Italie pour y passer quelques semaines avec Yves… c’est long 2 mois et nous avions tous les deux très hâte de se revoir, ayant de part et d’autres rempli, partiellement tout au moins, le besoin d’accomplissement personnel et individuel qui avait alimenté la séparation physique temporaire. Patricia elle poursuivait sa route le long de la côte turque et Marie et Francis rentraient en France après que Francis ait laissé le voilier en hivernage à Marmaris.

Je tenais, avant de m’envoler vers les bras de mon amoureux, à visiter Istanbul que j’avais traversée « sur une gosse » à mon arrivée. Quelle ville extraordinaire, et combien 3 jours ne permettent de d’en effleurer une petite surface! Premièrement, c’est immense… 12,5 millions de personnes officiellement, certains disent jusqu’à 18 millions en comptant tous les illégaux. La 5e plus grande ville au monde, elle vit et respire ses deux identités; l’une européenne, moderne, angoissée, proprette et foncièrement fonctionnelle, et l’autre asiatique, hospitalière, courtoise, marchande, un peu rustique. Elle souffre d’une immigration rurale accélérée (10 millions de personnes y sont venues des autres régions de Turquie depuis 50 ans) et d’un éclectisme cosmopolite flagrant, mais elle semble absorber le tout relativement aisément, comme elle passa des mains des Chrétiens aux Ottomans sans complètement perdre la trace de ses origines. Byzance est encore très présente dans ses majestueuses églises converties en mosquées et ses structures et ruines romaines, mais la présence continue des Sultans pendant 5 siècles a laissé à la ville des joyaux architecturaux et une riche culture résolument ottomane beaucoup plus qu’islamique. On entend l’appel à la prière du muezzin 5 fois par jour à Istanbul et les nombreuses et imposantes mosquées dominent les collines de la ville, mais le stambouliotes d’aujourd’hui vivent leur religion, leur culture et leur ville très différemment selon les quartiers. Ils ont une affection naturelle pour l’Europe mais une ambivalence envers l’euro, un accueil plus que chaleureux des étrangers, une gastronomie dont ils sont éminemment fiers et un sens de la fête aiguisé. J’y ai passé un excellent 3 jours à visiter les monuments évidents : Haghia Sofia, magnifique église byzantine convertie en mosquée; la mosquée bleue; Topkapi Palace, le grand Palais des sultans jusqu’au 19e siècle, dont le principal attrait est le harem, quartier de vie des concubines et enfants des sultans, qui est un dédale fort intéressant de pièces fonctionnelles et de pièces d’apparat ornées de belles céramiques ottomanes et de majestueuses fresques. La collection d’objets précieux dans la trésorerie du Topkapi Palace doit faire faire des cauchemars au conservateur de ce musée – l’or massif, les immenses et nombreuses pierres précieuses, le jade et les bois précieux dont sont composés les objets y étant hébergés témoignent de la somptuosité du règne ottoman. Mais j’ai aussi marché les rues de la vieille ville et passé de bons moments dans ses bazaars (le Grand bazaar, dédale étourdissant de marchandises allant de la pacotille aux plus riche des bijoux en or, et le spice bazaar, plus facile à aborder, proposant d’agréables étals de friandises, épices, et autres spécialités locales.).
Le 2e soir de ma visite à Istanbul, j'ai cédé à la tentation d'aller voir un spectacle de "whirling dervishes", manifestion culturelle de la communauté turque soufie qui suivent les écrit du poète Rumi. C'est quelque chose qui est assez méditatif et un peu cliché, mais j'ai beaucoup aimé la musique et les danses qui induisent presque une transe à la fois chez les danseurs et chez les spectateurs.
C'est un moment de calme et de réflexion...
J’ai décidé de passer ma dernière soirée dans un hammam turc, ce qui fut une expérience tout à fait charmante! Au début, t’as vraiment l’air d’une touriste quand on te donne un petit gant d’exfoliation et un petit jeton pour ton « frottage » et qu’on te pointe vaguement vers les vestiaires… après t’être déshabillée, une matronne te lance un « peshtemal », sorte de serviette en coton traditionel, dont tu dois t’entourer avant d’entrer dans la salle « chaude ». Là, tu te débrouille pour te trouver un petit coin pour t’étendre entre les dizaines de corps de femmes allongées sur le marbre chauffant de la dalle centrale de la pièce, et tu attends qu’une autre matronne turque, bedonnante et débordant de son bikini noir, te tire un peu brusquement par le bras et te replace sur le bord de la dalle pour t’entreprendre à te frotter et te savonner, tout en te faisant clairement comprendre avec des tapes bien placées quand tu dois te retourner, te lever, t’asseoir, etc. Suite au massage savonneux, elle te déplace près d’une des nombreuses fontaines d’eau fraîche qui bordent la salle et t’asperge sans ménagement. L’expérience n’est pas douce mais étrangement relaxante et ensuite tu peux relaxer dans la salle en alternant entre la salle de vapeur, l’eau fraîche et le bain jacuzzi à volonté.

Voilà, suite et fin de mon périple dans ce coin du monde. Mon avion m’attendait pour la continuation… à suivre!

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